La vieille poupée

Une petite fille reçoit un étrange colis le jour de son anniversaire. À l’intérieur, une ancienne poupée, hideuse, effrayante, à l’aura diabolique. Les jours de l’enfant sont désormais comptés…

Lucie est une petite fille comme les autres. Le matin de son anniversaire, sa maman la réveille et lui annonce que le facteur a délivré un colis adressé à la fillette. Surexcitée, l’enfant s’empresse, sans ménagement, de déchirer le papier d’emballage et d’ouvrir le carton. Elle pousse alors un cri strident en découvrant le contenu du paquet : c’est une vieille poupée, la plus horrible et la plus répugnante poupée que la jeune Lucie n’ait jamais vue !

La poupée est complètement chauve, sa peau, toute craquelée, est recouverte de salissures. Mais le pire de tout dans ce sinistre spectacle ce sont ses dents : anormalement longues, pointues et gâtées, bien loin du sourire éclatant de blancheur et de pureté des poupées traditionnelles. Elles donnent au jouet une allure bestiale, mauvaise. Dans un frisson d’effroi, la petite Lucie jette la vilaine poupée dans un coin de la pièce, le plus loin possible d’elle. Sa maman la réprimande sèchement :

– Tu sais, la personne qui t’a envoyé ce cadeau a dû se donner beaucoup de peine pour trouver une poupée aussi ancienne. Tu devrais être reconnaissante d’une telle attention ! finit-elle d’un ton sévère.

Lucie voulut protester, mais sa mère ne voulait rien entendre. Elle força la fillette à garder le présent. Frustrée, mais néanmoins obéissante, Lucie alla cacher la vilaine poupée dans un placard sous l’escalier, en prenant soin de la dissimuler derrière une grosse pile de boîtes de chaussures.

– Là au moins, je n’aurai à supporter la vue de cette chose immonde et diabolique ! se dit Lucie.

L’esprit tranquille, la fillette purent ainsi profiter du reste de sa journée d’anniversaire, accompagnée du traditionnel gâteau ainsi que d’autres cadeaux bien plus plaisants.

La nuit même, Lucie, qui dormait profondément, fut brusquement réveillée par un étrange bruit qui provenait de l’étage inférieur. C’était comme si on traînait un quelconque objet sur le plancher de la maison. Toujours allongée dans son lit, la petite tendit l’oreille pour trouver l’origine du mystérieux bruit qui retentissait inlassablement depuis cinq bonnes minutes. Puis le bruit changea ; on aurait dit maintenant le son de petits pas légers, rapides. Lucie était maintenant terrifiée, tremblant de tout son corps, incapable de bouger de son lit. Depuis toute petite, elle dormait toujours avec la porte de sa chambre ouverte, bénéficiant ainsi de la lumière du couloir qui faisait office de veilleuse, car Lucie avait, comme bon nombre d’enfants, peur du noir. C’est alors qu’elle entendit quelqu’un murmurer, dans un souffle à peine audible, d’une voix faible et rauque :


« Lucie… Lucie… je suis sur la première marche ! »


Puis l’étrange voix se tut et la fillette entendit le bruit caractéristique de quelqu’un qui tourne les talons, s’éloignant pour disparaître d’où il était venu. La pauvre enfant était tellement effrayée qu’elle ne put fermer l’œil de la nuit. Elle resta coucher dans son lit, figé, les yeux grand ouverts jusqu’à l’aube où sa maman vint la lever pour se préparer à aller en classe. Lucie tenta d’expliquer à sa mère ce qui était arrivé pendant la nuit, mais la fillette était tellement épuisée qu’elle crut sa maman quand celle-ci lui répondit que ce n’était rien, qu’elle avait fait un mauvais rêve, voilà tout. « Ça doit être cela !! » se convainquit l’enfant.

Bien sûr, ce n’était pas le cas, Lucie le sentait. Elle supplia ses parents de jeter la poupée aux ordures, mais ces derniers lui rétorquèrent que c’était un cadeau, et qu’un cadeau ne se jette pas ! Le soir venu, Lucie alla se coucher de mauvais cœur. Juste avant, afin de se rassurer, elle alla jeter un œil dans le placard sous les escaliers, derrière les boîtes à chaussures. L’affreuse poupée était toujours là, à l’endroit même où la fillette l’avait cachée le jour précédent. Un peu rassurée, l’enfant monta se coucher tout en tentant de combattre le sommeil qui rendait ses paupières lourdes. Mais la petite fille était tellement épuisée qu’elle finit tout de même par s’endormir, exténuée. Mais la petite voix désincarnée eut tôt fait de la réveiller. Une nouvelle fois prise de panique, Lucie se demanda quand même si ce n’était pas son imagination qui lui jouait des tours, quand soudain elle entendit:


« Luuuucccciiiiie, je suis sur la quatrième marche ! »


Plus aucun doute possible, Lucie ne rêvait pas ! L’enfant se mit à pleurer à chaudes larmes et ne put retrouver le sommeil le restant de la nuit.

Le lendemain, dans la cour de l’école, Lucie expliqua à ses camarades ses mésaventures depuis qu’elle avait reçu l’horrible poupée pour son anniversaire. Comme il fallait s’y attendre, ses amis se moquèrent ouvertement d’elle, la traitant de peureuse, menteuse ou de bébé. Mais Lucie s’en moquait, elle n’entendait déjà plus les railleries des autres enfants autour d’elle. Une seule idée lui traversait la tête : « s’il a fallut à la poupée seulement une nuit pour monter de trois marches, cela signifie qu’il ne lui en faudra plus qu’une pour atteindre le sommet de l’escalier !! » conclut-elle.

La nuit venue, Lucie prit la décision de fermer la porte de sa chambre pour la première fois depuis sa naissance. Quand sa mère voulut éteindre la lumière, elle se retourna et demanda à Lucie pour quelle raison la fillette n’avait plus peur du noir tout à coup :

– c’est toujours le cas Maman, mais est-ce que je pourrais plutôt laisser la lumière de ma chambre allumée au lieu de celle du couloir ?

– Non Lucie ! la lumière de ta chambre est trop forte, elle va t’empêcher de t’endormir.

Lucie accepta donc de dormir sans lumière, la porte fermée. Toutefois, une fois sa mère sortie, la fillette ouvrit les volets de la fenêtre pour laisser pénétrer les faibles rayons de lune qui parvenaient de l’extérieur. Elle commençait tout juste à somnoler quand retentit le bruit et la voix apparut trois nuits plus tôt :


« Luuuucccciiiie… je suis arrivé à la dernière marche ! »


Cette fois, la voix était claire, distincte, toute proche. Dans l’obscurité de sa chambre, la fillette entendit un cliquetis qui la fit sursauter de terreur. Elle n’en était pas sûre, mais il lui sembla voir la porte de sa chambre s’ouvrir lentement, très lentement…

Le lendemain matin, le corps sans vie de Lucie gisait au bas de l’escalier. Ses parents conclurent que leur fille s’était levée pendant la nuit pour se rendre aux toilettes, qu’elle s’était encoublée et avaient trébuché dans les escaliers, se brisant la nuque dans sa chute. On retrouva la vieille poupée à côté du petit corps inerte de la pauvre enfant.

Lucie et la vieille poupée furent enterrées ensemble au cimetière local. Lors de la mise en terre, personne ne trouvait les mots pour qualifier la tragédie qui s’était produite. En guise d’adieux, la mère de Lucie lâcha ces quelques mots :

– Elle aimait cette poupée… Maintenant, elles sont ensemble pour l’éternité.